LA RENCONTRE
Une traversée intime où l’art devient rituel : exhumer, toucher, relier les absents aux vivants. Une rencontre différée avec ceux qui nous habitent sans que nous les ayons connus.
LA RENCONTRE est un projet artistique né d’un geste familial : celui du non-renouvellement d’une concession funéraire. Mais ce qui aurait pu rester un acte administratif est devenu pour moi un point de bascule, une faille par laquelle la mémoire, le corps, et la question du lien intergénérationnel ont ressurgi.
Mes grands-parents sont décédés en 1981. Je ne les ai pas connus. Lorsqu’on m’a annoncé que leur sépulture serait « nivelée » — autrement dit, que la pierre tombale serait retirée, mais que les corps resteraient, sans nom, sans trace — quelque chose en moi s’est soulevé. C’est cette absence de signe, de nom, de corps reconnu, qui a déclenché le projet.
Depuis quinze ans, ma pratique photographique explore les questions de disparition, de mémoire, de présence/absence, de transmission silencieuse. Mais ce projet opère un déplacement : il devient incarné, physique, rituel. J’ai décidé de procéder à l’exhumation de mes grands-parents. Ce geste, loin d’être purement symbolique, sera aussi un acte performatif, une manière de me rendre présente dans un moment habituellement caché, réservé aux professionnels, aux procédures. J’ai demandé à descendre moi-même dans la fosse, à toucher cette matière du passé, à faire le travail de mes mains. Ce déplacement de rôle — de la photographe à l’actrice, du regard à l’implication corporelle — est au cœur du projet.
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THE MEETING
An intimate journey where art becomes ritual: exhuming, touching, connecting the absent to the living. A delayed encounter with those who inhabit us without us having known them.
La Rencontre (The Meeting) is an artistic project born from a family gesture: the non-renewal of a funeral concession. But what could have been an administrative act became for me a tipping point, a rift through which memory, the body, and the question of intergenerational connection resurfaced.
My grandparents died in 1981. I was two years old. I didn’t know them. When I was told that their burial would be “levelled”—in other words, that the tombstone would be removed, but the bodies would remain, without name, without trace—something in me rose. It is this lack of sign, name, recognized body that triggered the project.
For the past fifteen years, my photographic practice has explored questions of disappearance, memory, presence/absence, silent transmission. But this project is moving: it becomes incarnate, physical, ritual. I decided to exhume my grandparents. This gesture, far from being purely symbolic, will also be a performative act, a way of making myself present in a moment usually hidden, reserved for professionals and procedures. I asked to go down into the pit myself, to touch this matter of the past, to do the work with my hands. This shift in role - from the photographer to the actress, from gaze to body involvement - is at the heart of the project.
La Rencontre convoque plusieurs notions :
– La mémoire incarnée : Que fait-on des corps qu’on ne connaît pas, mais qui nous habitent ? Comment la mémoire familiale se loge-t-elle dans le silence, dans les vides, dans la transmission non dite ?
– Le rituel comme espace artistique : En organisant chaque étape comme un rituel — l’exhumation, le recueillement, la crémation — je tente de créer une forme de cérémonie profane, où l’art prend le relais du sacré. Le geste artistique devient un geste de réparation.
– La matérialité de la disparition : Ce projet interroge la matière du deuil : les os, les vêtements, les objets qui résistent. Ce qui reste. Je souhaite créer des sculptures à partir de ces fragments, comme des reliques à rebours, où l’objet ne sacralise pas le passé, mais l’actualise.
The meeting brings together several concepts:
– The incarnate memory: What do we do with bodies that we don’t know, but that inhabit us? How does the family memory fit into silence, in emptiness, in unspoken transmission?
– Ritual as an artistic space: By organizing each step as a ritual — exhumation, recollection, cremation — I try to create a form of secular ceremony where art takes over from the sacred. The artistic gesture becomes a gesture of reparation.
– The materiality of disappearance: This project questions the matter of mourning: bones, clothes, objects that resist. What remains. I want to create sculptures from these fragments, like relics in reverse, where the object does not sacralize the past, but actualizes it.
L’installation finale — mêlant film, son, photographie, objets — sera un espace de condensation : une chambre de mémoire sensible où les médiums dialoguent. Elle ne cherchera pas à reconstituer, mais à évoquer, à ouvrir un espace de résonance. La Rencontre est avant tout cela : une tentative d’approcher ce qui n’a pas été vécu, de créer un moment de présence dans l’absence, de convoquer une rencontre impossible, mais nécessaire. Il cherche moins à reconstituer qu’à rendre possible un espace de relation, où l’art devient médiateur entre absence et présence, silence et mémoire.
Ce projet est un geste intime, mais aussi un espace de réflexion collective sur la manière dont nos sociétés traitent la mort, les liens familiaux, la mémoire des corps. Il interroge la disparition comme processus, comme matière, et propose un dialogue entre l’art et les gestes funéraires.
En choisissant de m’éloigner de la seule photographie pour travailler aussi avec l’image en mouvement, la performance et la sculpture, je cherche à faire émerger une forme plus complète, hybride, traversée. La Rencontre est autant un projet artistique qu’une tentative de rencontre réelle — avec mes grands-parents, avec ma propre histoire, avec ce qui nous relie malgré le temps, malgré l’absence.
The final installation — a mix of video, sound, photography and objects — will be a condensing space: a chamber of sensitive memory where mediums dialogue. It will not seek to reconstruct, but to evoke, to open a space of resonance. The Encounter is above all this: an attempt to approach what has not been lived, to create a moment of presence in absence, to call for an impossible but necessary encounter.
This project is an intimate gesture, but also a space for collective reflection on how our societies treat death, family ties, the memory of bodies. It questions the disappearance as a process, as matter, and proposes a dialogue between art and funerary gestures.
By choosing to move away from photography alone to work also with the moving image, performance and sculpture, I seek to bring out a more complete form, hybrid, crossed. La Rencontre is as much an artistic project as it is an attempt at a real encounter — with my grandparents, with my own story, with what connects us in spite of time, in spite of absence.
LA RENCONTRE
Une traversée intime où l’art devient rituel : exhumer, toucher, relier les absents aux vivants. Une rencontre différée avec ceux qui nous habitent sans que nous les ayons connus.
LA RENCONTRE est un projet artistique né d’un geste familial : celui du non-renouvellement d’une concession funéraire. Mais ce qui aurait pu rester un acte administratif est devenu pour moi un point de bascule, une faille par laquelle la mémoire, le corps, et la question du lien intergénérationnel ont ressurgi.
Mes grands-parents sont décédés en 1981. Je ne les ai pas connus. Lorsqu’on m’a annoncé que leur sépulture serait « nivelée » — autrement dit, que la pierre tombale serait retirée, mais que les corps resteraient, sans nom, sans trace — quelque chose en moi s’est soulevé. C’est cette absence de signe, de nom, de corps reconnu, qui a déclenché le projet.
Depuis quinze ans, ma pratique photographique explore les questions de disparition, de mémoire, de présence/absence, de transmission silencieuse. Mais ce projet opère un déplacement : il devient incarné, physique, rituel. J’ai décidé de procéder à l’exhumation de mes grands-parents. Ce geste, loin d’être purement symbolique, sera aussi un acte performatif, une manière de me rendre présente dans un moment habituellement caché, réservé aux professionnels, aux procédures. J’ai demandé à descendre moi-même dans la fosse, à toucher cette matière du passé, à faire le travail de mes mains. Ce déplacement de rôle — de la photographe à l’actrice, du regard à l’implication corporelle — est au cœur du projet.
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THE MEETING
An intimate journey where art becomes ritual: exhuming, touching, connecting the absent to the living. A delayed encounter with those who inhabit us without us having known them.
La Rencontre (The Meeting) is an artistic project born from a family gesture: the non-renewal of a funeral concession. But what could have been an administrative act became for me a tipping point, a rift through which memory, the body, and the question of intergenerational connection resurfaced.
My grandparents died in 1981. I was two years old. I didn’t know them. When I was told that their burial would be “levelled”—in other words, that the tombstone would be removed, but the bodies would remain, without name, without trace—something in me rose. It is this lack of sign, name, recognized body that triggered the project.
For the past fifteen years, my photographic practice has explored questions of disappearance, memory, presence/absence, silent transmission. But this project is moving: it becomes incarnate, physical, ritual. I decided to exhume my grandparents. This gesture, far from being purely symbolic, will also be a performative act, a way of making myself present in a moment usually hidden, reserved for professionals and procedures. I asked to go down into the pit myself, to touch this matter of the past, to do the work with my hands. This shift in role - from the photographer to the actress, from gaze to body involvement - is at the heart of the project.
La Rencontre convoque plusieurs notions :
– La mémoire incarnée : Que fait-on des corps qu’on ne connaît pas, mais qui nous habitent ? Comment la mémoire familiale se loge-t-elle dans le silence, dans les vides, dans la transmission non dite ?
– Le rituel comme espace artistique : En organisant chaque étape comme un rituel — l’exhumation, le recueillement, la crémation — je tente de créer une forme de cérémonie profane, où l’art prend le relais du sacré. Le geste artistique devient un geste de réparation.
– La matérialité de la disparition : Ce projet interroge la matière du deuil : les os, les vêtements, les objets qui résistent. Ce qui reste. Je souhaite créer des sculptures à partir de ces fragments, comme des reliques à rebours, où l’objet ne sacralise pas le passé, mais l’actualise.
The meeting brings together several concepts:
– The incarnate memory: What do we do with bodies that we don’t know, but that inhabit us? How does the family memory fit into silence, in emptiness, in unspoken transmission?
– Ritual as an artistic space: By organizing each step as a ritual — exhumation, recollection, cremation — I try to create a form of secular ceremony where art takes over from the sacred. The artistic gesture becomes a gesture of reparation.
– The materiality of disappearance: This project questions the matter of mourning: bones, clothes, objects that resist. What remains. I want to create sculptures from these fragments, like relics in reverse, where the object does not sacralize the past, but actualizes it.
L’installation finale — mêlant film, son, photographie, objets — sera un espace de condensation : une chambre de mémoire sensible où les médiums dialoguent. Elle ne cherchera pas à reconstituer, mais à évoquer, à ouvrir un espace de résonance. La Rencontre est avant tout cela : une tentative d’approcher ce qui n’a pas été vécu, de créer un moment de présence dans l’absence, de convoquer une rencontre impossible, mais nécessaire. Il cherche moins à reconstituer qu’à rendre possible un espace de relation, où l’art devient médiateur entre absence et présence, silence et mémoire.
Ce projet est un geste intime, mais aussi un espace de réflexion collective sur la manière dont nos sociétés traitent la mort, les liens familiaux, la mémoire des corps. Il interroge la disparition comme processus, comme matière, et propose un dialogue entre l’art et les gestes funéraires.
En choisissant de m’éloigner de la seule photographie pour travailler aussi avec l’image en mouvement, la performance et la sculpture, je cherche à faire émerger une forme plus complète, hybride, traversée. La Rencontre est autant un projet artistique qu’une tentative de rencontre réelle — avec mes grands-parents, avec ma propre histoire, avec ce qui nous relie malgré le temps, malgré l’absence.
The final installation — a mix of video, sound, photography and objects — will be a condensing space: a chamber of sensitive memory where mediums dialogue. It will not seek to reconstruct, but to evoke, to open a space of resonance. The Encounter is above all this: an attempt to approach what has not been lived, to create a moment of presence in absence, to call for an impossible but necessary encounter.
This project is an intimate gesture, but also a space for collective reflection on how our societies treat death, family ties, the memory of bodies. It questions the disappearance as a process, as matter, and proposes a dialogue between art and funerary gestures.
By choosing to move away from photography alone to work also with the moving image, performance and sculpture, I seek to bring out a more complete form, hybrid, crossed. La Rencontre is as much an artistic project as it is an attempt at a real encounter — with my grandparents, with my own story, with what connects us in spite of time, in spite of absence.